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02.07.2024

Arrêt de la Cour : Limitation possible au principe de libre prestation de service pour des travailleurs de pays tiers détachés

L’affaire concerne des ressortissants ukrainiens, titulaires d’un permis de séjour temporaire slovaque, et qui ont été détachés par une société de slovaque (ROBI) afin d’effectuer une mission à Rotterdam au Pays-Bas. ROBI a signifié aux autorités néerlandaises que la période de détachement initiale de 3 mois était étendue à 9 mois supplémentaires, accompagnée d’une demande de permis de séjour temporaire limité. Les autorités néerlandaises ont certes accordé ce permis de séjour, mais égal à la durée de validité des permis de séjour temporaire slovaques. La réglementation néerlandaise leur impose en effet, après une période de 90 jours, d'obtenir un permis de séjour néerlandais pour poursuivre leur mission au Pays-Bas. Les requérants ont contesté l’obligation de demande de permis de séjour aux Pays-Bas ainsi que la durée des permis de séjour.

Les juges devaient ainsi statuer sur la question de savoir si la libre circulation des services garantie par les articles 56 et 57 du TFUE inclut ou non un droit de séjour dans un État membre pour les travailleurs de pays tiers qui peuvent être employés dans cet État membre par un prestataire de services établi dans un autre État membre.

Sur cette première question, les juges estiment que les travailleurs ressortissants de pays tiers qui sont détachés dans un État membre par un prestataire de services établi dans un autre État membre ne doivent pas se voir automatiquement reconnaître un « droit de séjour dérivé » que ce soit dans l’État membre où ils sont employés ou dans celui où ils sont détachés. Ce droit de séjour dérivé, consacré par la jurisprudence sur les bases de l’article 21 TFUE, concerne les personnes physiques, qui plus est dans des situations familiales ou analogues, et non aux relations entre une entreprise et ses salariés.

La deuxième question posée à la CJUE était de savoir si les Pays-Bas pouvaient obliger l’entreprise slovaque à obtenir un permis de séjour pour chacun des travailleurs détachés sans contrevenir à l’article 56 TFUE sur la libre prestation de service.

La Cour rappelle tout d’abord que si la directive 96/71 sur le détachement des travailleurs s’applique aux travailleurs détachés ressortissants de pays tiers, son considérant 20 ne porte pas atteinte aux législations nationales relatives aux conditions d’entrée, de résidence et d’emploi de travailleurs ressortissants de pays tiers. La Cour estime donc, après avoir analysé d’autres textes (règlement 1030/2002 sur les titres de séjour et directive services 2006/123 notamment) que l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers sur le territoire d’un État membre n’ayant pas fait l’objet d’une harmonisation au niveau du droit de l’Union, une réglementation telle que celle en cause doit être appréciée au regard des dispositions de l’article 56 TFUE.

Les juges considèrent ici que la législation nationale en cause peut restreindre la libre prestation de service si elle poursuit une raison impérieuse d’intérêt général, est conforme au principe de proportionnalité et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Les arguments avancés par le gouvernement néerlandais – protection de l’accès au marché du travail ; droit à la sécurité juridique des travailleurs ; nécessité de contrôle du travailleur – sont recevables.

Les juges estiment donc que l’article 56 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre prévoyant qu’une entreprise d’un autre État membre détachant des travailleurs de pays tiers ait l’obligation d’obtenir dans l’État membre de travail un permis de séjour pour chaque ressortissant.

Pour en savoir plus : https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=en&num=C-540/22