REIF Info
24.01.2025

Y croire encore

S’il faut se fixer une bonne résolution, en ce début d’année, c’est bien celle de continuer à croire en la construction de l’Europe sociale alors que 2025 s’ouvre sous de bien mauvais auspices.

Le 14 janvier, les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’UE, Nicholas Emiliou, dans lesquelles il propose à la Cour d’annuler la directive de 2022 sur les salaires minimaux adéquats, nous rappelaient que les droits ne doivent jamais être tenus pour acquis. Dans cette affaire où la Cour a été saisie par le Danemark, l’avocat général considère que le législateur européen n’a pas la compétence pour adopter un tel instrument, qui constituerait une ingérence directe dans les rémunérations visées par l’exception prévue à l’article 153 (5) du TFUE.

Rappelons que la directive n’oblige toutefois en rien les pays à établir un salaire minimum légal lorsqu’ils n’en disposent pas. Le groupes S&D et La Gauche ainsi que les syndicats ont immédiatement exprimé leurs inquiétudes. Ces derniers estiment que l’avis en cause ne prend pas en considération l'objectif global de la directive d’éviter la concurrence déloyale sur la base de bas salaires, les précédents juridiques qui soutiennent la compétence de l’UE à réglementer la protection des salaires.

Si les juges décident de suivre cet avis, cela ne sera pas sans conséquences politiques pour l’Union, et sociales pour les travailleurs. À l’heure du bilan de la première Commission von der Leyen, la directive sur les salaires minimaux était en effet régulièrement présentée comme la pièce maîtresse en matière de mise en œuvre du Socle européen des droits sociaux. Alors que vont débuter les travaux qui devraient mener à la publication d’un nouveau Plan d’action du Socle en fin d’année, il y a fort à craindre que les conclusions de l’avocat général apportent de l’eau au moulin de ceux qui plaident pour une mise en pause des initiatives sociales – et ce dans un contexte où la nouvelle Commission apparaissait déjà fort peu allante.

En parallèle, les récentes réunions du Conseil ont enfoncé le clou sur la priorité à accorder à la compétitivité et à la déréglementation, dans l’attente de la publication de la Boussole de compétitivité le 29 janvier et de la Communication « omnibus » le 26 février (voir brève). Cette dernière devrait réduire drastiquement les obligations déclaratives pesant sur les entreprises, voire freiner la mise en œuvre de certaines législations. Alors que l’organisation patronale BusinessEurope détaille les simplifications qu’elle demande sur pas moins de 68 textes, dont celui encadrant le détachement des travailleurs, de nombreuses organisations de la société civile se sont alarmées d’un recul annoncé des droits sociaux et environnementaux.

Il est également à craindre que l’on ne puisse pas attendre beaucoup d’élan de la part des présidences du Conseil. Le programme de travail de la Pologne n’inclut que marginalement les questions sociales. Quant au pays qui lui succèdera, il s’agit du Danemark, celui-là même qui introduisit devant la Cour le recours en annulation de la directive salaires minimaux.

Il nous reste donc quelques semaines, d’ici à la publication de son programme de travail 2025 prévue le 11 février, pour convaincre la Commission européenne de prendre de bonnes résolutions sociales pour la première année de son mandat.

L’équipe de la Reif

Anne-Claire, Benjamin et Adèle

Lien vers le Reif-Info numéro 407