REIF Info
24.10.2024

Quel avenir pour l’État-providence ?

Ce mois-ci à Bruxelles s’est tenue la troisième édition du forum annuel organisé par la Plateforme européenne de protection sociale (Esip). Afin de poursuivre les réflexions du rapport d’Enrico Letta sur le marché unique, qui rappelle l’importance de sa dimension sociale, le forum portait cette année sur le rôle de la sécurité sociale pour un « État-providence fort » et un « marché unique socialement robuste ».

Les systèmes de sécurité sociale font bel et bien partie des fondements de l’Europe sociale et ont, à ce titre, contribué au développement du marché unique depuis ses origines : le troisième règlement européen adopté en 1958 portait déjà sur la coordination des systèmes de sécurité sociale en vue de permettre aux travailleurs d’exercer leur droit à la libre circulation. Cela étant dit, la révision des règlements de coordination est enlisée depuis 8 ans, alors même que de nouvelles problématiques ne cessent d’émerger, parmi lesquelles la numérisation et le télétravail, comme cela a été souligné par Jörg Tagger, chef d’unité à la DG EMPL, lors du discours introductif.

Un autre défi majeur a fait l’objet de vives discussions lors de l’après-midi qui était dédiée au marché unique des produits pharmaceutiques. Une étude réalisée par Esip a en effet permis de révéler l’inquiétante hausse constante des prix des médicaments, en particulier pour les thérapies innovantes et les traitements contre le cancer, mettant à rude épreuve les budgets nationaux. La Caisse nationale d’assurance maladie a rappelé qu’en France, les médicaments oncologiques représentent 29 % des dépenses pharmaceutiques de ville, avec un taux de croissance annuel de 11 %. En milieu hospitalier, 77 % des dépenses de médicaments sont désormais consacrées aux traitements contre le cancer.

Alors que la majorité des États membres ont demandé un délai supplémentaire pour soumettre leur plan budgétaire pluriannuel, censé leur permettre de réduire de manière progressive leurs niveaux de dette et de déficit, des investissements sociaux sont plus que jamais nécessaires pour préserver nos États-providences. Or, pour la nouvelle Commission, l’heure est à la compétitivité, la productivité ou encore l’innovation. Alertant sur le retard grandissant de l’Europe face aux États-Unis et à la Chine, l’ancien dirigeant de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, estime toutefois dans son rapport que si l’UE doit se rapprocher de l’exemple américain, elle doit le faire sans les inconvénients de leur modèle social, et notamment des taux d’inégalités plus élevés.

Aussi, la solution serait-elle d’épouser le vocabulaire des économistes pour convaincre les décideurs politiques du bien-fondé de l’Europe sociale ? C’est ce qu’a fait la Belgique, représentée lors du forum par Manuel Paolillo, directeur général du SFP Sécurité sociale, qui a cherché, lorsqu’elle était à la tête du Conseil en début d’année, à renforcer l’approche d’investissement social en faisant valoir le rendement économique des politiques sociales.

Pour l’heure, le prochain grand dossier sur lequel devront plancher la Reif, Esip et leurs partenaires est l’adoption du nouveau plan d’action sur le Socle européen des droits sociaux. Roxana Mînzatu, désignée comme future vice-présidente exécutive pour les Personnes, les Compétences et la Préparation, sera auditionnée par la commission EMPL du Parlement le 12 novembre (voir brève). Elle devra apporter des précisions quant à son portefeuille et à la fragmentation de la politique sociale et de l’emploi qui pourrait fragiliser la mise en œuvre du Socle.

L’équipe Reif

Anne-Claire, Benjamin, Adèle

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