Bientôt la fumée blanche pour le 883 ?
Paradoxalement, et alors que l’UE est toute tournée vers le renforcement de sa défense, l’adoption de paquets de simplification de ses normes et le renforcement de sa compétitivité, une issue pourrait être trouvée dans les prochaines semaines sur l’un des grands textes en matière sociale introduit en 2016 par la Commission Juncker : la révision des règlements de coordination des systèmes de sécurité sociale (appelé ‘883’ du nom de l’un des règlements) !
Paradoxe parce que la politique sociale n’est pas l’une des priorités de la Commission von der Leyen II, rappelant les périodes de vaches maigres des mandats Barroso (2004-2009 et 2009-2014). Il suffit pour cela de se référer au train législatif du Parlement qui récence toutes les initiatives du programme de travail de la Commission par grandes priorités : quand celle concernant la ‘prospérité et la compétitivité’ rassemble plus de 104 initiatives et celle sur ‘la défense et la sécurité’ pas moins de 30, celle centrée sur ‘les personnes et le modèle social’ compte péniblement 15 initiatives, dont 2 bloquées…
C’est donc dans ce contexte peu clément – pour l’instant ? - qu’un accord se dessine au Conseil sur le 883 avant que d’hypothétiques négociations avec le Parlement ne débutent. Les trois points sensibles et bloquant du dossier feraient désormais l’objet d’un compromis entre États membres : une définition commune du siège social, un accord sur l’indemnisation des chômeurs frontaliers payée pendant un temps (6 mois) et selon des conditions (25 semaines d’affiliation) par le pays travail et enfin la mise en place de notifications préalables à l’envoi d’un travailleur détaché accompagnées de quelques exemptions.
Pour le reste, et on tend parfois à l’oublier tant les négociations se prolongent, – après 9 ans de travaux, 12 présidences du Conseil de l’Union européenne, 18 trilogues et 2 accords provisoires -, le paquet de révision des règlements de coordination est ambitieux et améliorerait sensiblement les droits des citoyens en situation de mobilité en Europe (vacances, travail, frontaliers, retraite…). Voyez plutôt, parmi de nombreuses évolutions, quelques exemples de ce sur quoi se sont déjà mis d’accord les colégislateurs : une meilleure protection des travailleurs détachés (période minimale d’interruption entre deux missions, affiliation préalable minimale au pays d’envoi), de meilleurs outils de coopération entre organismes de sécurité sociale (définition de la fraude, obligation de contrôle, uniformisation des formulaires des travailleurs mobiles…), de plus longues exportations des droits au chômage des travailleurs mobiles européens non-frontaliers, une individualisation des prestations familiales si les parents travaillent dans deux pays différents ou encore l’introduction des prestations de soins de longue durée pour mieux couvrir les besoins des personnes (âgées, en situation de handicap) favorisant l’accès aux soins pour ces derniers…
La présidence polonaise sera celle de la dernière chance pour arracher un compromis sur la révision du 883 et la Commission, qui a discuté en janvier de retirer la révision de ces textes de son programme de travail, n’accordera pas plus de temps aux colégislateurs. Il faudra ensuite que Parlement et Conseil s’accordent, trouvent des compromis lors de futur trilogue et que le texte passe les nombreuses vicissitudes qui jalonnent le processus d’adoption d’un texte au niveau européen. En sortira-t-il de la fumée blanche ? Nous l’espérons.
L’équipe de la Reif
Anne-Claire, Benjamin, Adèle et Alma